Pendant que certains débutants (Benyamine, Fitoussi, Rémy, etc,) écument Las Vegas, j'ai choisi d'investir Marrakech où le casino de la Mamounia organise « the » best série de poker tournaments of the world.
D'abord, parce qu'en raison du cours du dirham (un euro vaut 11 dirhams), le montant des buy in reste raisonnable. Ensuite, parce que tant qu'à s'exiler au soleil, je préfère le bon goût marocain à la vulgate ricaine, la pastilla aux hamburgers, les ryads discrets aux resorts disneylandiens et le blanc sémillant cuvée du Président au Coca Cola. Enfin, parce que Marc, robuste et compétent directeur des jeux du casino de la Mamounia, a eu le bon goût de sortir avant moi au dernier tournoi d'Agadir (un exploit !) et de m'inviter tout frais payés en bed and breakfast goûter aux joies du poker à la marocaine (coloré, souvent acrobatique, propice aux bad beat les plus violents et quelquefois dispendieux). Autant vous avouer, qu'au nom d'une vénalité pro domo, ce reportage sera à la déontologie professionnelle ce que Jean-Pierre Pernaud est au journalisme d'investigation. Donc, n'attendez pas la page de pub pour aller vous soulager, elle est incluse dedans.
Arrivée aux aurores à Marrakech, temps brumeux et 20°, parmi une foule de mémés permanentées, godillotisées et Framisées (semaine à 399,99 € : vol, hôtel all inclusive et calèche comprise, à deux pas (comptez 30 minutes sous le cagnard) de la Koutoubia.) Une fois vautré dans le taxi (Mercedes hors d'âge, 700 000 kilomètres au compteur et chauffeur du même acabit), découverte du Kenzi Farah Palace (5 étoiles homologuées locales). Décor à la hauteur de l'attente avec escalier mussolinien, végétation luxuriante, ciel bleu et portier en tenue d'apparat : un mélange de nègre à torchère comme on en vend au marché Paul Bert et de Lawrence d'Arabie version colorisée pour TF1. Bref, la totale ! Une fois passée l'éblouissement post colonial, le palace déçoit un peu. (Comme quoi, on peut pratiquer le journalisme alimentaire et garder son quant à soi.) Hall qui devait être démodé la veille de son inauguration, chambre aussi défraîchie qu'une sénior Framisée (voir plus haut) et Wi fi aléatoire. Mais bon, à cheval donné, on ne regarde pas les dents. Petit plongeon dans la piscine, bronzette rapide avant que les grandes oreilles ne débarquent s'appropriant les transats en y disposant les objets rituels : serviettes de bain, huile à frire, exemplaires de « Voici » ou recueils de Sudoku pour les plus intellectuels, boîtes de préservatifs, (je plaisante). A noter : quelle que soit la latitude, la conversation du touriste moyen (blanc de dos, rouge de face) se réduit à deux items : le harcèlement inutile des chiards (« Ne cours pas autour de la piscine », « Ne crie pas, tu vois bien que le monsieur dort », « Sors de l'eau que je te remette de la crème »), et l'inépuisable comparaison du bien marchander (« Tu l'as payée combien ta vraie fausse Rolex ? », « Combien coûte le petit taxi ? », « Et pour les pourboires, c'est compris dans la formule ? »). A croire que moins la vie est chère, plus la pingrerie s'accroit.
Retour prudent dans la chambre qui, du coup, paraît moins glauque. Tout compte fait, cette petite cretonne jaune est assez vintage ! Nouvelle tentative Wi Fi, encore raté !, et sieste réparatrice. Je vous passe la ballade dans la médina, « Pas cher mon zami ! Pour le plaisir des yeux ! Moins cher qu'à Carrefour ! » Retour à l'hôtel. Re Wi fi, toujours à la marocaine. Douche dans une baignoire avec bonde (on n'est pas palace pour rien) et direction le casino pour le premier tournoi 1 000 rebuy pendant 1h 30. Pause petite faim au restaurant. Délicieux, joli, somptueux et gratis prodéo (merci Marc). Si vous passez par là, je vous conseille le mille-feuilles de chèvre, le loup citronné et tous les desserts. Vue panoramique sur la salle de jeux assez époustouflante : coupole vitrée façon Galeries Lafayette et foule compacte façon les 3 J. La salle de poker se trouve en mezzanine : 7 tables immenses pour 10 personnes, croupiers gentils et compétents. A retenir : un rebuy à la marocaine ressemble un peu à une belle partie dealer choice pour Chinois au feu Concorde : pot, pot pot ! Tapis, tapis, tapis! Rebuy, rebuy, rebuy! A 1 000 dirhams (soit un tiers de smic local tout de même), nous avons eu droit à 98 rebuy pour 74 joueurs, suivis de 63 add on. Ce qui a permis 9 places payées : 62 000 au premier, 41 000 au second, 24 000 au troisième et la bulle pour ma pomme. Othmane de marocpoker.net (excellent site) et Patrick, un toulousain débonnaire se sont partagés les deux premières places. Bravo à eux !
Pour moi, direction le cash game : 3 000 la cave, 100/200 les blinds. Le poker à la marocaine est comparable à l'hospitalité du même nom : large et folklo. Tout as, même fatigué, permet de suivre de fortes relances et l'on mettrait sa maison et la Merco pour une ventrale à la dernière. Même si l'on joue mieux qu'à Agadir (où j'ai vu sur ma première main, étant au bouton avec AK colorés, les blinds 100/200 (payé, payé, payé) arriver jusqu'à moi. Relance de 1 200. Payé, payé, payé !), aux petites tables, une recave par tour n'apparaît pas comme un fait exceptionnel. Ambiance très sympa et gavage assuré quoi qu'acrobatique. Bilan de la soirée 12 000 de bénef, retour au petit jour, petit déj, piscine, bronzette, dodo.
Marrakech, day 2. Petite promenade en ville histoire de constater que les embouteillages ont peu à envier à Paris, que la « Renaissance » est en rénovation et que le café Internet reste introuvable. Retour au jeu. Cette fois, c'est un 1500, toujours rebuy, toujours 20 minutes par niveau, plus add on. Othmane (pseudo Averoes sur Clubpoker) saute avant moi. Première victoire psychologique. Cash game à une 5 000, plus technique face à des joueurs locaux pour moitié et des néo ACFiens pour le reste. Plus technique, plus lisible. Re 12 000 de bénéf. De quoi se plaint le peuple !
Marrakech, day 3. Premier freezout. 5 000 l'entrée, 10 000 jetons, blinds 100/200, rounds de 20 minutes, une cinquantaine de joueurs dont une famille locale (papa, maman et le rejeton). Je saute sur une erreur suivie d'un bad beat. Ne suis pas sur de jouer mon meilleur poker, le cash game compensant très largement. Pendant ce temps, papa-maman-et-mon-fils-chéri-à moi continuent le tournoi, ce qui nous a valu une scène attendrissante. N'étant plus à la table, je vous la raconte par ouïe dire. Après qu'un petit stack se soit mis à tapis, fils chéri se retrouve en tête à tête avec une connaissance. Ils se montrent leurs mains et chèckent jusqu'au bout. Petit stack, Patrick, le toulousain qui avait fini second la veille, fait une réflexion peu amène à fils chéri (du genre Sarkozy au salon de l'Agriculture). Du coup, papa qui officie à la table voisine, défend fils chéri en vociférant. Quand je dis vociférations, cela tient plutôt du cochon quon égorge, scène inhabituelle en pays musulman. Intermède comique qui dura un bon quart d'heure. Pour l'anecdote, fils chéri a fini dans les trois premiers. Comme quoi, on peut gagner à l'ombre du père. Freud n'ayant jamais dû traverser le détroit de Gibraltar.
Marrakech day 4. La grande boucherie est annoncée. Un 15 000 rebuy + add on ! Après avoir cajolé mon conseiller Cofinoga, je me prépare pour le Valmy de mes finances. Las, le concurrent local ( le casino du Saadi, assez lugubre entre nous), a organisé inopinément un 10 000 freezout. Aussi la Saint Barthélémy du jeton est annulée. Ouf ! Je retrouve papa et fils chéri au cash game. Rigolade assurée. Re bénéf et dodo. Pendant ce temps, Peter Roche, undes meilleurs joueurs de Omaha que je connaisse, terrorise la table d'à côté.
Marrakech day 5. That's the grand tournoi. 20 000 dirhams freezout. Pour me préparer, je m'offre un somptueux repas à la Table du Maroc (pâtes aux truffes à se damner). Mais, c'est dimanche soir, en pleines Pâques juives, et à force de rebuy, rebuy, rebuy !, les locaux tirent un peu la langue. A la demande unanime, il est remplacé par un 5 000. Grâce à mon talent, mon courage, ma technicité et mon audace légendaires, je décroche la dixième place. Cash game profitable jusquà l'aube. Retour en taxi avec Othmane. Demain, l'avion. Sniff ! La poker room de la Mamounia me manque déjà. Un curieux mélange de vraie gentillesse de l'équipe de croupiers et d'un remarquable professionnalisme du floor. Ajoutez la furia clanique côté clients, façon « La vérité si je mens ! », parfois agaçante, toujours touchante. Un cocktail étonnant !
Pokerstars Festival LILLE. A la conquête du chnord
Il y a 6 ans
Longue vie a ton blog mon ami...
RépondreSupprimerTrès bien écrit et très sympa a lire.
J'attends avec impatience la suite de tes aventures...
Merci Fabrizio, à très vite sur PS.
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